L'anorexie mentale est un trouble grave. Voici comment une étudiante en médecine passionnée d'écriture le décrit.
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Eva est une jeune étudiante en médecine que j’ai croisée à différentes reprises dans des manifestations professionnelles. Au cours d’une de nos riches rencontres, j’ai découvert qu’Eva était passionnée par l’écriture poétique. Parmi les très beaux textes qu’elle m’a fait l’honneur de me partager, il y en a un qui m’a particulièrement touchée en évoquant l’anorexie mentale. Eva m’a rapporté avoir composé ce poème en révisant ses cours de psychiatrie, elle-même étant émue par ce qu’elle lisait. Avec son autorisation, je publie ce texte ici, parce qu’il concerne un trouble qui n’a plus depuis longtemps l’honneur des médias malgré sa sévérité et ses ravages. Merci à Eva pour ce magnifique texte et son partage.
Le texte d’Eva
A toi petite femme en devenir que tu es
Prête oreille, je vais te conter
Quant à l'arrivée de ta puberté
Non cette histoire n'est pas douce et belle
Même si tu crois qu'elle te fait pousser des ailes
Elle amène anémie et insuffisance rénale fonctionnelle
Oestrogènes en carence
Avec aménorrhée en avance
Pour infertilité et ostéoporose en latence
Restriction de tes ingesta
Et sélection de tes repas
Te mèneras à un poids significativement bas
Elle prend beaucoup de place dans ton esprit
Envahit ta vie
Tes fonctions vitales sont ralenties
XXL, te fait croire que ton enveloppe est
Pour mieux t'emprisonner
Dans cette prison psychique dorée
Inconscience tu as d'elle
Elle te semble irréelle
Elle a un sacré côté rebelle
Elle te donne une impression de contrôle
Tu t'investis d'ailleurs souvent à l'école
Serait-ce un moyen de garder un rôle ?
Mortalité tu y es associée
Beaucoup plus qu'il n'y paraît
Une bien triste réalité
Exercice physique à outrance tu feras
Laxatifs et diurétiques seront rois
Pendant que tu te malmèneras
Ne pas garder ou se remplir
Hypokaliémie et œdème vont frémir
Et ton cœur va souffrir
Te menant à des règles inflexibles et croyances erronées
Tu fuis le contact à la société
Tu cherches à effacer tes aspects sexués
Assimilable à une addiction
Tu as tendance à vouloir la perfection
Eviterais-tu tes émotions ?
Lipides et glucides tu détecteras, alors allégée en protéines tu seras
Altération de la perception de ton corps tu auras
Avec sur la balance une bien faible estime de soi
Et quand hypoglycémies et malaises te guetteront
Quand ce ne sera pas les infections
Chère petite, s'il te plait n'attends plus, prononce son nom
Quelques précisions sur l’anorexie mentale
L’anorexie mentale est un trouble sévère des comportements alimentaires qui se caractérise par une restriction des apports énergétiques et qui conduit à un poids anormalement bas compte tenu de l’âge, du sexe, du stade de développement et de la santé physique. Les symptômes principaux sont une peur intense de prendre du poids et des conduites interférant avec la prise de poids, alors que le poids est significativement bas. Ces conduites peuvent aller de la privation alimentaire à la pratique excessive de sport, et même au port de vêtements trop légers compte tenu de la température extérieure. Les personnes anorexiques ont une perception altérée de leur propre corps, en se voyant gros malgré leur maigreur. Cette dysmorphophobie débouche sur des affects dépressifs et une perte d’estime de soi.
On distingue deux types d’anorexie mentale en fonction des comportements dans les 3 derniers mois (DSM-5 ; APA, 2013).
Dans le type restrictif, la personne n’a pas présenté d’accès récurrents d’hyperphagie ni recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements). Ce sous-type décrit des situations où la perte de poids est essentiellement obtenue par le régime, le jeûne et/ou l’exercice physique excessif.
Dans le type avec accès hyperphagiques ou purgatifs, qui concerne environ 20% des cas, la personne a présenté des accès récurrents de gloutonnerie et/ou a recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements).
Les conséquences physiques et psychiatriques sont graves. Dans des états de grande maigreur, de nombreux individus atteints d’anorexie mentale présentent des symptômes dépressifs, un retrait social, de l’irritabilité, des insomnies, et une diminution de l’intérêt pour la sexualité. Des traits obsessionnels-compulsifs, notamment centrés sur la nourriture, sont souvent observés. La plupart des individus souffrant d’anorexie mentale ont des préoccupations obsédantes à propos de la nourriture. Certains collectionnent des recettes de cuisine, d’autres accumulent des provisions, ou mettent un point d’honneur à cuisiner pour toute la famille sans ingérer eux-mêmes la nourriture préparée. Parmi les autres caractéristiques, on note des difficultés à manger en public, des sentiments d’incompétence, un fort besoin de contrôler l’environnement, une pensée inflexible, un manque de spontanéité sociale, un perfectionnisme et des capacités d’initiative ou une expressivité émotionnelle nettement réduites. Un pourcentage substantiel d’individus souffrant d’anorexie mentale présente des traits de personnalité pathologique qui remplissent les critères d’au moins un trouble de la personnalité.
Sur le plan physique, la sous-alimentation et les comportements purgatifs parfois associés peuvent conduire à des situations médicales dramatiques où le pronostic vital peut être engagé. Des dysfonctions physiologiques, dont l’aménorrhée et des perturbations des constantes vitales, sont fréquentes. Alors que la plupart des modifications physiologiques associées à la malnutrition sont réversibles lors de la renutrition, certaines d’entre elles, comme la perte de la densité osseuse, ne sont généralement pas complètement réversibles. Des comportements tels que vomissements provoqués, mésusage de laxatifs, de diurétiques et lavements peuvent provoquer des déséquilibres induisant des perturbations biologiques, et des problèmes dentaires.
L’anorexie mentale débute habituellement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, avec des pics d'apparition de la maladie qui se situent entre 13–14 ans et 16–17 ans. Le début du trouble est souvent associé à un événement négatif de vie, comme une déception amoureuse, des faits de harcèlement scolaire, ou des moqueries incessantes des parents à propos du poids. Mais d’autres causes plus banales existent, comme un pari ponctuel entre copines pour perdre du poids avec l’incapacité de cesser les restrictions pour l’une d’elle.
Enfin, le site de l’Assurance Maladie rappelle que l’anorexie mentale est une maladie relativement rare, puisqu’elle concerne entre 0,9 et 1,5 % des femmes et 0,2 à 0,3 % des hommes). Elle touche en majorité les filles qui représentent au moins 80 % des cas.
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