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Photo du rédacteurNathalie Boisselier

L'humour noir signe d'intelligence

Si l’humour a été vu comme « l'impolitesse du désespoir », il pourrait surtout être « une idiotie intelligente », c’est-à-dire la voie royale à travers laquelle s’exprimerait l’intelligence.


L'humour, une stratégie de coping chez les adolescents HPI

L’humour serait donc un signe d’intelligence. Selon Swiatek & Cross (2007), il s’agirait d’une des nombreuses stratégies d’adaptation sociale utilisées par les adolescents HPI pour essayer de s’intégrer en détournant l’attention de ce qui les différencie vraiment, comme le fait d’être de bons élèves ou d’avoir des centres d’intérêt trop intellectuels par rapport à la norme. Certains jeunes HPI réussiraient ainsi à se faire passer pour de véritables “clowns“, les bons copains qui prennent tout au second degré et à la dérision. Selon eux, ils s’appliquent surtout à donner l’impression d’être « faciles à vivre », pas aussi compliqués qu'on veut les faire croire. Selon la grille de lecture proposée par Harrison (2004), cette prédilection savoureuse pour l’humour pourrait aussi leur permettre d’exercer leur penchant naturel pour la complexité et l’abstraction. Autrement dit, elle leur permettrait de joindre l’utile à l’agréable et parfois même de passer l'air de rien des messages sur l’absurdité du monde ou d’une situation.


La politesse du désespoir ou une manière d'être acéré ?

Et il ne faut pas croire que cela change en vieillissant. En s’attachant à lister des traits communs, Tolan (1994) a soutenu que les adultes HPI auraient la capacité de percevoir avec acuité leur environnement, un besoin de vérité et le sens de la justice, un sens de l’humour très développé, des convictions morales très fortes et des expériences sociales qui dépendent de la possibilité de partager avec des personnes qui comprennent ou partagent leur manière d’être. Pour ce chercheur, le sens de l’humour fait donc partie de ce qui qualifie le mieux les adultes HPI, ce que semblent confirmer des recherches plus expérimentales comme celle de Greengross et Miller en 2011.


Chez les adultes toujours, c’est cette fois le goût pour l’humour noir que Ulrike Willinger et ses collègues ont passé au crible dans leur étude publiée en 2017. En utilisant des planches de bandes dessinées d’humour noir d’Uli Stein, les chercheurs ont étudié 156 adultes âgés en moyenne de 33 ans et demi (± 11, 4 ans) dont ils avaient évalué préalablement l’intelligence verbale et non verbale. Les résultats n'indiquaient pas de lien entre l’humour noir et le sexe ou l’âge de leurs participants. En revanche, les auteurs ont statistiquement pu établir un lien entre l’humour noir et l’intelligence verbale et non verbale. Plus les personnes sont intelligentes, mieux elles semblent comprendre l’humour noir et plus elles ont une préférence pour celui-ci.


Mais qu’est-ce que l’humour noir exactement ?

L'humour noir est une modalité du langage qui traite de sujets difficiles comme la mort, la maladie, la difformité, le handicap ou la guerre, mais en employant le ton très particulier de la dérision. L'humour noir est souvent féroce, provocateur, ironique ou cynique. Il est utilisé pour exprimer l'absurdité, l'insensibilité, le paradoxe et la cruauté du monde moderne. Certains peuvent le percevoir comme méchant, psychopathique, tordu… ou alors juste très drôle.

L'humour utilise souvent l'imagerie mentale ou alors des analogies qui ne sont pas évidentes et généralement incongrues. A un certain niveau de complexité, le traitement de l'humour, nécessite de réorganiser la pensée pour changer de perspective, de cadre de référence. Un tel processus dépend du rappel de connaissances stockées en mémoire, mais aussi de l’intelligence à travers la capacité de résolution de problèmes, le raisonnement abstrait et verbal. Par conséquent, le traitement de l'humour est considéré comme une tâche complexe, reposant fortement sur les capacités intellectuelles. Dit ainsi, on comprend mieux la prédilection des personnes HPI pour cette activité.


Le cerveau et l'humour

La même conclusion nous vient des neurosciences : une intelligence plus élevée influencerait bien les aspects cognitifs du traitement de l'humour. Vrticka et ses collègues ont constaté en 2013 dans une méta-analyse d’études de neuro-imagerie que l'augmentation de l'âge et du QI était liée à une activation plus forte des zones du cerveau impliquées dans la composante cognitive de l'humour. De telles données leur permettent de suggérer que le traitement de l'humour subit des changements au cours du développement et qu’il est modulé par des scores de QI plus élevés, deux facteurs susceptibles d'améliorer la détection et la résolution des incongruités qui se trouvent dans les contenus humoristiques.


L’humour est un facteur de résilience important. Il permet aux personnes qui ont subi de grands stress et des traumas de préserver leur santé psychologique et physique en prévenant par exemple des troubles psychologiques, la dépression ou l’anxiété. Il a des vertus curatives qui participent au bien-être. Cerise sur le gâteau qui ne surprendra personne : bien manié, il est un atout-séduction majeur, particulièrement pour les hommes.

 

Sources :

Greengross G, Miller G (2011) Humour ability reveals intelligence, predicts mating success, and is higher in males. Intelligence 39(4):188–192.


Harrison, C. (2004). Giftedness in early childhood: The search for complexity and connection. Roeper Review, 26(2), 78‑84.


Swiatek, M. A., & Cross, T. L. (2007). Construct Validity of the Social Coping Questionnaire. Journal for the Education of the Gifted, 30(4), 427‑449.


Tolan, S. (1994). Discovering the gifted ex‐child. Roeper Review, 17(2), 134‑138.


Vrticka, P., Black, J. M., Neely, M., Walter Shelly, E., & Reiss, A. L. (2013). Humor processing in children: Influence of temperament, age and IQ. Neuropsychologia, 51(13), 2799‑2811.


Willinger, U., Hergovich, A., Schmoeger, M., Deckert, M., Stoettner, S., Bunda, I., ... & Jaeckle, D. (2017). Cognitive and emotional demands of black humour processing: the role of intelligence, aggressiveness and mood. Cognitive processing, 18(2), 159-167.

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