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Photo du rédacteurNathalie Boisselier

Mortelle solitude

Pensez-y avant de dire que vous n'aimez pas les gens... La solitude augmente de 50% le risque de mourir prématurément.

C’est devenu à la mode sur les réseaux sociaux : clamer sur tous les tons qu’on n’aime pas ses semblables, y compris en employant l’humour. Assez étrange quand on sait que les êtres humains sont génétiquement programmés pour vivre en communauté pour répondre au fondamental de la survie. C’est d’ailleurs certainement la raison pour laquelle les sociologues nous préviennent depuis longtemps des dangers de l'isolement social. Les causes de cet isolement sont variées et inhérentes à l’évolution des sociétés industrialisées. On peut citer parmi celles-ci le vieillissement de la population, l’éclatement des familles ou encore les cultures qui valorisent l'individuel sur le collectif. Des analyses récentes de la recherche suggèrent que les gens qui tombent dans le piège terrible de la solitude sont 50% plus susceptibles de mourir prématurément que ceux qui restent socialement connectés. De plus, le fait qu’il s’agisse d’un isolement réel (solitude objective) ou du sentiment d’être seul (solitude perçue) ne change rien à l’affaire.


Etre connecté socialement est associé à la longévité

Des études ont monté que pas moins du 1/4 des Américains sont seuls, et que 18% des Britanniques se sentaient seuls « tout le temps » ou « souvent ». Deux méta-analyses (des études d’études) réalisées en 2010 et en 2015, ont connecté la conséquence de l'isolement social à la mort, et plus spécifiquement à une mort prématurée. Ce facteur de risque — la solitude — s’ajoute à d’autres qui sont bien moins ignorés du grand public comme fumer, avoir une vie trop sédentaire ou la pollution. De plus, être seul ou se sentir seul aggravent ces mêmes risques. Mais tout cela est logique : les gens seuls ont tendance à moins prendre soin d’eux et à moins préserver leur santé. Ils ont souvent des comportements dommageables comme fumer. Ils sont plus enclins à l’inactivité physique et ont un plus mauvais sommeil. Leur pression artérielle est aussi souvent plus élevée et ils ont tendance à avoir un système immunitaire moins fonctionnel.


En avril 2017, Julianne Holt-Lunstad, professeure de psychologie à l'Université de l'Utah, est revenue sur ces données alarmantes. Elle a présenté les deux méta-analyses dont il était question plus haut lors d'un congrès de l'American Psychological Association. La première, qui regroupait 148 études et incluait plus de 300 000 participants, est celle qui a montré que la connexion sociale aux autres était associée à une réduction de 50% du risque de mort prématurée. La seconde méta-analyse de 70 études représentait 3,4 millions de personnes venant des USA, d'Europe, d'Asie et d'Australie. Elle indiquait que les effets de l'isolement, de la solitude et du fait de vivre seul avait un effet équivalent à l'obésité sur le risque de mort prématurée. Ainsi, être socialement connecté n’influence pas seulement le bien-être psychologique et émotionnel, mais également le bien-être physique et la longévité. .


Une épidémie de solitude

Avec l'augmentation du vieillissement de la population, les projections en termes de santé publique ne sont rien moins que catastrophiques. En fait, plusieurs pays dans le monde feraient actuellement face à une véritable “épidémie de solitude“. De telles “épidémies“, bien qu'elles ne soient pas limitées aux pays riches, sont liées à leurs principales caractéristiques : allongement de l'espérance de vie, réduction du nombre des mariages et du nombre d'enfants par foyer, augmentation des chiffres du divorce et du nombre de personnes vivant seules. Ces problématiques sont à ce point importantes que les parlementaires anglais ont mis en place en 2017 une commission chargée de collaborer avec des associations humanitaires sur les groupes à risque, incluant les personnes âgées, les réfugiés, les jeunes et les parents isolés.


Des solutions pour l’avenir

Julianne Holt-Lunstad a de son côté fait plusieurs propositions pour battre en brèche le problème. Selon la chercheure, les gens devraient préparer socialement leur retraite au même titre qu'ils l'anticipent financièrement, ne serait-ce que parce que de nombreux liens sociaux sont noués dans le milieu professionnel. Les urbanistes devraient également jouer un rôle, en ménageant par exemple des jardins dans les villes, parce que de tels lieux favorisent le lien social. Mais une prise de conscience collective est aussi nécessaire : clamer que l’on n’aime pas les autres a des conséquences. Il ne faut pas s’étonner qu’ils ne nous aiment pas en retour ; c’est un juste retour des choses. L’incivilité, l’agression verbale, l’absence de solidarité et de coopération en découlent. La tolérance, la bienveillance et la gratitude ne sont que les mots. A chacun de les mettre en acte en joignant le geste à la parole en ne se laissant pas séduire par des déclarations visant à chanter les louanges de l’isolement. A vivre seul, on ne peut que mourir seul. La seule bonne nouvelle (mais c’est ironique), c’est qu’on meurt plus jeune.


 

Sources

Cet article s’appuie sur celui écrit par Cassie Werber le 8 août 2017.

Holt-Lunstad, J., Smith, T. B., & Layton, J. B. (2010). Social relationships and mortality risk: a meta-analytic review. PLoS medicine, 7(7), e1000316.


Holt-Lunstad, J., Smith, T. B., Baker, M., Harris, T., & Stephenson, D. (2015). Loneliness and social isolation as risk factors for mortality: a meta-analytic review. Perspectives on psychological science, 10(2), 227-237.

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