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Sur les sables mouvants : le HPE

Haut Potentiel Emotionnel (HPE), une désignation qui a plus de réalité sur les réseaux sociaux que dans la recherche en psychologie.


Photo Pixabay


Depuis quelques mois maintenant, les psychologues font face à une question récurrente de la part de leurs patients : « Pensez-vous que je puisse être HPE ? ». Parfois, il se mêle une deuxième notion, qui est celle du HPI, avec des personnes s’interrogeant cette fois sur le fait qu’elles puissent être concernées conjointement par les deux caractéristiques (HPI/HPE) et que cela puisse expliquer leurs difficultés sociales et émotionnelles.


Ces questions ne s’appuient pas sur la diffusion de nouvelles données de la recherche, mais sur un engouement populaire amplifié par les réseaux sociaux. Des groupes HPI/HPE s’y sont effectivement formés, avec des témoignages qui renvoient tous à deux postulats sous-jacents qui ne sont pas mutuellement exclusifs :

  1. Le HPE serait une caractéristique personnelle se manifestant par une souffrance émotionnelle associée à un trop-plein d’empathie, un sens moral et de la justice élevés ; expérience qui ne serait pas partagée par le plus grand nombre, ce plus grand nombre devenant même source de souffrance.

  2. L’intelligence (cognitive ou émotionnelle) serait un handicap parce qu’elle isolerait des autres en agissant comme un effet loupe sur les situations et sur ce qui ne va pas dans le monde.


Bien sûr, les réseaux sociaux se présentent comme le principal lieu où s’épanouit ce phénomène grâce au partage de témoignages et à l’acquiescement mutuel. Mais si les gens se sont sentis concernés par le HPE en premier lieu, c’est parce qu’ils trouvent sur internet un nombre impressionnant d’articles et d’interviews qui en parlent. Ces ressources présentent le Haut Potentiel Emotionnel (HPE) comme s’il s’agissait d’un concept solidement validé en psychologie et mesurable chez un psychologue à l’aide de tests fiables. Or, ce n’est pas le cas. En effet, si la notion d’intelligence émotionnelle demeure (au sens d’une bonne adaptation sociale et émotionnelle), celle de HPE est extrêmement fragile au moins pour ce qui concerne la possibilité de son évaluation. Nous sommes donc clairement face à une réappropriation de termes par le grand public, un phénomène où des concepts sont sur-interprétés et validés avant l’heure, sans qu’il ne soit tenu compte de leur fragilité ou de leurs limites importantes.


Or, l’enjeu est important pour les personnes qui s’auto-identifient HPE en pensant que c’est une explication possible à leurs difficultés socio-émotionnelles. En effet, il est beaucoup plus confortable d’envisager que ses difficultés d’intégration et d’adaptation proviennent d’une intelligence trop élevée que d’envisager un trouble qui affecterait ses capacités de régulation émotionnelle, d’intégration et d’adaptation sociale. Mais cette attribution causale externe des difficultés rencontrées se comporte aussi comme une véritable sentence. Tout simplement parce que le monde n’est pas en passe de devenir plus juste ou plus humain. Et il n’est pas non plus porteur d’une volonté propre, surtout celle de s’adapter à une personne en particulier.


Que ce soit juste ou pas n’est pas la question au regard des conséquences pour soi : s’auto-identifier HPE à tort revient finalement peu ou prou à se condamner soi-même à être malheureux et incompris, sans réelle possibilité de changement. Si, en revanche, on accepte l’hypothèse de difficultés acquises dans l’environnement (et donc d’un trouble affectant la sphère socio-émotionnelle), alors des possibilités de changement existent grâce notamment à la psychothérapie. Tous les troubles psychologiques affectent le système de régulation émotionnelle, ne l’oublions pas. Bien entendu, trouver de quel trouble il s’agit dépend des personnes et de leur histoire unique de vie, et c’est tout le travail du psychologue clinicien en cabinet. Mais au moins, une fois un diagnostic posé sur la souffrance, il naît un espoir de se réinscrire dans une vie qui fait sens.


Donc, voilà ce que défendent les psychologues qui disent : « Non, la possibilité que vous soyez HPE est improbable ; non seulement en raison de l’inconsistance du concept, mais aussi parce que cela n’expliquerait pas vos souffrances. » Ils ne défendent pas seulement de la science, mais de l’espoir ! L’espoir d’aller mieux avec un juste diagnostic qui pourra être une indication pour une psychothérapie particulière (e.g., thérapie des Schémas, EMDR). Parce que ne l’oublions pas non plus : il n’existe aucune thérapie pour le HPE. Tout simplement parce que si HPE il y avait, ce ne serait pas un trouble mais une caractéristique personnelle.


Définir ce que serait le HPE

Les termes « haut potentiel émotionnel (HPE) » renvoient à une expression qui est beaucoup employée en ce moment par la psychanalyste Raymonde Hazan. Mais elle n’a pas inventé ce terme, soyons bien clairs. L’expression HPE pourrait se traduire en anglais par emotionally gifted. A partir de ces mots-clés (les scientifiques communiquent en langue anglaise pour faciliter la diffusion de leurs idées et résultats), une recherche sur les portails qui répertorient la littérature scientifique peut être conduite. Elle indique que si l’on retrouve ces termes saupoudrés dans quelques articles (e.g., Roeper, 1982), cela ne va pas plus loin. Google Scholar renvoie par exemple 658 résultats avec la recherche « emotional giftedness ». Mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’études empiriques ou que le concept a été validé ; juste que 658 documents (études, livres, discussions théoriques, etc.) ont ces mots employés côte à côte quelque part dans le texte.


Le concept dont nous parlons n’a en réalité jamais été mis à l’épreuve des faits empiriques, sinon dans une étude pilote très limitée et assez ancienne de Mayer, Perkins, Caruso et Salovey (2001). Très limitée car elle concernait seulement 11 adolescents, ce qui est très peu pour produire des résultats généralisables. Une fois le QI verbal (et pas le QI total) estimé à partir d’un test de vocabulaire, ces 11 adolescents ont répondu à une forme courte d’échelle d’intelligence émotionnelle. A partir des scores obtenus, les auteurs les ont normalisés en calculant un quotient émotionnel (QIE) en adoptant la même moyenne (m = 100) et le même écart-type (ET = 15) que les échelles de QI de Wechsler.

Pour ce qui concerne les résultats, Mayer et al. (2001) suggéraient que les participants emotionally gifted étaient ceux qui obtenaient des scores d’intelligence émotionnelle (IE) élevés. Toutefois, ces adolescents emotionally gifted n’étaient pas en souffrance. Ils étaient ceux qui avaient une capacité bien supérieure aux autres pour percevoir, comprendre et réguler leurs émotions d’une part, et d’autre part étaient extrêmement doués pour utiliser leurs émotions de manière à faciliter leurs raisonnements. Leurs témoignages également prélevés par les auteurs montre effectivement qu’ils analysaient mieux les informations émotionnelles liées aux relations avec les pairs que ceux présentant un QIE plus faible. Les adolescents avec un haut QIE rapportaient également les situations émotionnelles avec plus de précision et de richesse (expression des sentiments en conflit) que les adolescents ayant un QIE moins élevé.



La sagesse et la prise de perspective et pas la détresse morale

Au-delà, rappelons-le à nouveau, des limites très importantes de cette étude (voir l’analyse de Zenasni & Mouchiroud, 2006) qui rendent la généralisation hasardeuse, un enseignement important à en tirer est que la description du HPE faite par les créateurs même du concept d’IE ne cadre pas avec la manière dont le grand public s’est réapproprié le concept.

Pour Mayer et al. (2001), une intelligence émotionnelle élevée ne serait pas une faiblesse ou une source de souffrance, mais une force. Elle caractériserait des personnes disposant d’une intelligence sociale très élevée et donc d’une capacité accrue à interagir harmonieusement avec les autres, y compris en régulant leurs émotions (savoir gérer et apaiser les conflits, s’entendre avec le plus grand nombre, etc.). Sur le plan thymique cette fois, le HPE décrirait des personnes à l’humeur égale (on parle d’équanimité) et capables d’auto-apaisement et de résilience. Enfin, une intelligence émotionnelle élevée signifierait que les émotions ne se mettent pas en travers du bonheur mais au contraire le favorisent grâce à des raisonnements qu’elles permettraient d’enrichir. En d’autres termes, cette définition du "surdon" émotionnel décrit… le dalaï lama (ou en tout cas l’idée que l’on se fait de lui). Elle cadre peu avec les témoignages de personnes qui rapportent de grandes difficultés à réguler leurs émotions (surtout les émotions négatives), y compris dans les interactions sociales où ils décrivent subir les humeurs des autres et l’injustice du monde sans pouvoir agir dessus, comme s’ils en étaient le jouet.



Les tests d’intelligence émotionnelle ne permettent pas d’identifier le surdon

Au-delà de ce différentiel entre la manière dont cette étude décrit le HPE et la perception qu’en a le grand public, d’autres problèmes se posent concernant la mesure de l’intelligence émotionnelle elle-même.


Déjà, il faut rappeler que l’intelligence émotionnelle (IE) n’est pas un concept unitaire et qu’il en existe trois modèles différents qui ne renvoient pas aux mêmes caractéristiques et ne s’évaluent pas de la même manière. Le modèle qui est actuellement considéré comme le plus solide — parce que le plus cognitif — par la communauté scientifique est celui de Salovey et Mayer (1990, 1997), et la forme d’intelligence que ces chercheurs postulent s’évalue à l’aide du Mayer-Salovey-Caruso Emotional Intelligence Test (MSCEIT ; Mayer, Salovey, & Caruso, 2002).


Or, selon l’état de l’art exhaustif du concept d’IE dressé en 2012 par Zeidner, Matthews et Roberts dans un ouvrage volumineux (463 pages), cette échelle d’évaluation ne permet pas d’identifier le surdon émotionnel et remet donc conceptuellement en question la notion même de HPE. Cette limite importante serait imposée par la manière même dont sont construits les tests d’IE. D’après la démonstration que les auteurs produisent dans le Chapitre 2 (p. 37-66) de leur livre consacré à la psychométrie appliquée aux tests d’intelligence émotionnelle, ces tests seraient finalement plus efficaces à détecter les « sous-doués émotionnels » que les surdoués (Zeidner et al., 2012, p. 60). Ce serait dû à la méthode employée pour fournir la grille de cotation de tous les questionnaires d’IE, méthode qui fait appel au consensus d’un panel d’experts (consensus scoring).


A quoi correspond cette méthode ? En simplifiant, imaginons que des chercheurs décident de construire leur propre questionnaire d’évaluation d’IE dont ils ont rédigé les questions. Une fois cette étape franchie, ils devront préciser quelles sont les bonnes et les mauvaises réponses afin de pouvoir proposer une grille de cotation. Contrairement aux échelles de QI pour lesquelles des réponses incontestables existent, les questions de leur échelle d’IE n’ont pas de réponses incontestables. Elles renvoient par exemple à des dilemmes sociaux pour lesquels ils vont demander à leurs répondants de choisir ce qu’ils feraient. Le problème est bien évidemment le même pour juger les expressions sur les visages. Pour décider, ils vont donc réunir un panel d’experts dans le domaine des émotions (chercheurs, etc.) et leur demander quelle est selon eux la bonne réponse aux questions de leur test parmi plusieurs propositions. Les développeurs du test considèreront ensuite que la réponse des experts la plus consensuelle est LA bonne réponse ; et ils attribueront le point à toute personne qui coche cette réponse quand elle répondra à leur questionnaire.


Toutefois, cette manière de procéder écartera nécessairement les surdoués en minorant leur score puisque, par définition, s’ils sont hors-normes, ils ne devraient pas donner la réponse consensuelle. Sinon, ils ne seraient pas surdoués mais dans la moyenne, celle des experts. Voici comment Zeidner et collègues (2012) l’expliquent (traduction libre) :


« Si un item de test pose un problème émotionnel particulièrement difficile, par définition, seul un pourcentage relativement faible de personnes exceptionnellement douées répondra correctement, ce qui signifie que la réponse consensuelle sera certainement incorrecte. Par exemple, sur une question difficile à quatre choix, si seulement 10 % des répondants répondent correctement, au moins 30 % cocheront le choix incorrect le plus populaire. La notation consensuelle pénalisera alors les répondants "corrects" parce que leur réponse s'écarte de la réponse type. En conséquence, leur score d'IE sera réduit de façon artificielle. »


Arrive ensuite le problème de la difficulté des questions. Par exemple, les items de chaque subtest des échelles d’intelligence de Wechsler augmentent progressivement en difficulté. C’est ce qui permet de discriminer les personnes en fonction de leurs performances cognitives : plus elles répondent juste à des questions difficiles, plus leur note au subtest est élevée. Plus leurs notes aux différents subtests sont élevées, plus leur score de QI Total sera haut. Et, à l’extrémité de ce continuum, ces personnes sont rares (2,28% de la population globale pour le HPI).

Or, voilà où se situe un autre problème avec la mesure de l’intelligence émotionnelle : comment déterminer une échelle de difficulté dans des expressions du visage dont il faut deviner l’émotion associée ? C’est tout bonnement impossible de manière irréfutable. Pour les tests d’IE, il n’existe pas de progression dans la difficulté des items. Un score d’IE élevé ne signifie pas que l’on est capable de résoudre des problèmes complexes, mais que l’on est capable de résoudre un grand nombre d’items dont on ne peut pas dire avec certitude s’il y en a de plus difficiles que d’autres. Quant à un score bas, personne ne sait finalement non plus ce à quoi il correspond. En effet, comme le rappellent Zeidner et ses collègues (2012), les théoriciens de l’intelligence émotionnelle se sont toujours bien gardés de définir à quoi correspondait la déficience dans leur concept, restant sur les descriptions flatteuses des scores élevés. Nous ne savons donc pas si un déficit en intelligence émotionnelle correspond à un déficit en Théorie de l’Esprit (capacité de prêter des émotions et des intentions à autrui), à l’alexithymie, ou à un trouble de la personnalité qui pourrait aller jusqu’à la personnalité antisociale…



HPE et HPI

Que ce soit sur internet dans les fils de discussions de groupes sur les réseaux sociaux, ou encore en cabinet de psychologie, la question d’une association entre HPI et HPE est souvent posée. D’ailleurs, pourquoi ne le serait-elle pas puisque la notion de haut potentiel émotionnel (emotional giftedness) a été construite par référence à la notion de haut potentiel intellectuel (intellectual giftedness) ?


Même si la notion de HPE doit être écartée au stade actuel de la recherche sur l’IE, il existe au moins des études qui ont observé les liens pouvant potentiellement exister entre l’intelligence émotionnelle et l’intelligence cognitive. Il vaut donc la peine de s’y pencher. La question posée par ces études est donc : les individus HPI ont-ils des niveaux d’intelligence émotionnelle plus élevés que les non-HPI ? En d’autres termes, avoir un QI élevé prépare-t-il à être plus stable et régulé sur le plan émotionnel et à disposer de meilleures habiletés sociales ? La réponse semble être positive, au moins pour les enfants, puisque deux méta-analyses ont fait récemment état d’associations positives mais modérées entre les deux construits :


  • Abdulla Alabbasi et al. (2020) indiquent que les enfants HPI obtiennent généralement des scores significativement plus élevés que les enfants non-HPI sur des mesures de l’IE.

  • Kong (2014) a rapporté que l'IE évaluée avec les deux échelles consécutives produites par Salovey et Mayer (MEIS et MSCEIT) était positivement corrélée avec trois indices d’intelligence cognitive : l'intelligence globale (r moyen = .30), l'intelligence verbale (r moyen = .26) et l'intelligence non verbale (r moyen = .23).

Il semble donc bien que les enfants HPI obtiennent en moyenne et un peu plus souvent que les autres des scores d’intelligence émotionnelle plus élevés, et que cela puisse s’expliquer. L’intelligence émotionnelle a effectivement été considérée par ses concepteurs comme « un sous-ensemble de l’intelligence sociale » (Salovey et Mayer, 1990). Or, dans un Manuel de psychologie différentielle, Huteau (2013) postulait que l’intelligence sociale reviendrait finalement à l’intelligence cognitive appliquée à des objets sociaux et y soit soluble. De son côté, Gottfredson (2002) a suggéré que le raisonnement abstrait dans lequel les individus HPI excellent pourrait également les aider à trouver des solutions créatives à des problèmes émotionnels ou relevant d’interactions sociales. Il est également désormais clairement établi grâce à un certain nombre d’études expérimentales que les enfants et les adolescents HPI possèdent des compétences sociales au moins égales — voire supérieures — à celles de leurs pairs dans la population normale (Austin & Draper, 1981 ; Lee et al., 2012 ; Lehman & Erdwins, 1981 ; Robinson, 2002 ; Sayler & Brookshire, 1993 ; Shechtman & Silektor, 2012 ; Zettergren & Bergman, 2014).


Quant aux adultes, la réponse est floue par manque d’études. Concernant la sociabilité, une étude récente à laquelle j’ai participé (Boisselier & Soubelet, 2021) suggère qu’il s’agit d’une caractéristique pouvant être associée aux adultes HPI. Pour ce qui concerne plus spécifiquement l’intelligence émotionnelle, seulement deux études ont été à notre connaissance publiées. Tandis que Dijkstra, Barelds, Ronner, et al. (2012) montraient que les adultes HPI obtenaient des scores d’IE inférieurs à ceux d’adultes non-HPI, Angela and Caterina (2020) ne retrouvaient pas ce résultat. Mais les groupes observés avaient des effectifs réduits (respectivement n = 196 et n = 19). De plus, les deux études ne faisaient pas référence au même modèle d’intelligence émotionnelle. Il ne semble donc pas possible de tirer des conclusions concernant les adultes HPI pour lesquels des études supplémentaires sont nécessaires.



Vivre dans un monde difficile

Pour conclure sur cette notion de HPE, personne ne peut nier qu’il existe des personnes qui sont plus douées — et même beaucoup plus douées — que d’autres dans des domaines différents du domaine intellectuel, ce qui inclut le domaine des interactions sociales et du raisonnement émotionnel. Mais nous n’avons aucun moyen d’identifier ces personnes, les échelles d’IE ne permettant pas à l’heure actuelle de déterminer l’exceptionnalité. C’est certainement la raison pour laquelle, déjà en 1960, le célèbre psychologue et statisticien Lee Cronbach, connu pour son travail dans le domaine de la psychométrie, avait statué sur les 50 ans de recherches sur l’intelligence sociale écoulées en déclarant qu’elle restait non définissable et non mesurable (Joseph & Newman, 2010). De plus, il convient de rappeler qu’une intelligence émotionnelle élevée ne renvoie pas à des difficultés de régulation émotionnelle, au non-conformisme ou à l’inadaptation sociale ; c’est tout l’inverse.


Nous vivons dans un monde de plus en plus dur, marqué par la brutalité, l’absurdité, l’inéquité et l’individualisme. Les crises économiques succèdent aux crises sanitaires et de valeurs. Dans ce contexte, notre système de régulation émotionnelle est mis à rude épreuve, surtout s’il existe une adversité dans l’enfance qui a affecté son bon développement. Il est normal d’essayer d’expliquer pourquoi, parfois, nous n’arrivons pas à faire face ; pourquoi ces pensées en boucle, ce mal-être, ces insomnies, ce sentiment de ne pas être comme les autres. A côté de cela, il serait si simple d’être compréhensif, attentionné, bienveillant… Humain, finalement ! Bien entendu, mesurer l’écart entre « ce qui devrait être » et « ce qui est » peut faire mal.


C’est ce différentiel mesuré chaque jour qui peut pousser à se penser HPE. C’est compréhensible et nul ne doit blâmer quelqu’un de vouloir comprendre ce qui lui arrive. Malheureusement, l’explication par le HPE n’est souvent pas la bonne car l’intelligence — cognitive ou émotionnelle — n’est jamais une vulnérabilité mais un facteur de protection. En faisant un pas de côté, beaucoup pourront entrevoir que ce qui les fait souffrir émotionnellement et socialement est certainement un trouble lié à des facteurs de stress. Mais, qu’il s’agisse d’un traumatisme de l’enfance, d’un trouble anxieux ou de la personnalité, il existe des solutions psychothérapeutiques. Certes, cela demandera du travail et peut-être du temps. Mais l’avantage est immense. Parce qu’au lieu de se vivre comme balloté par les évènements et victime d’un monde brutal, il est possible de redevenir acteur de sa vie et de lui redonner du sens en reprenant la main.



Références

Abdulla Alabbasi, A. M., A. Ayoub, A. E., & Ziegler, A. O. (2020). Are gifted students more emotionally intelligent than their non-gifted peers? A meta-analysis. High Ability Studies, 1-29.


Angela, F. R., & Caterina, B. (2020). Creativity, emotional intelligence and coping style in intellectually gifted adults. Current Psychology, 1-7. https://doi.org/10.1007/s12144-020-00651-1


Austin, A. B., & Draper, D. C. (1981). Peer Relationships of the Academically Gifted: A Review. Gifted Child Quarterly, 25(3), 129-133. https://doi.org/10.1177/001698628102500310


Boisselier, N., & Soubelet, A. (2021). La sociabilité et l’attrait pour la solitude des adultes à haut potentiel intellectuel (HPI). Psychologie Française, 66(4), 377‑392. https://doi.org/10.1016/j.psfr.2021.02.001


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Gottfredson, L. S. (2002). Where and why g matters: Not a mystery. Human Performance, 15, 25–46. DOI:10.1080/08959285.2002.9668082

Huteau, M. (2013). Psychologie différentielle (4ème édition). Dunod.


Joseph, D. L., & Newman, D. A. (2010). Emotional intelligence: an integrative meta-analysis and cascading model. Journal of Applied Psychology, 95(1), 54. DOI: 10.1111/j.1754-9434.2010.01218.x


Kong, D. T. (2014). Mayer–Salovey–Caruso Emotional Intelligence Test (MSCEIT/MEIS) and overall, verbal, and nonverbal intelligence: Meta-analytic evidence and critical contingencies. Personality and Individual Differences, 66, 171-175.


Lehman, E. B., & Erdwins, C. J. (1981). The Social and Emotional Adjustment of Young, Intellectually-Gifted Children. Gifted Child Quarterly, 25(3), 134-137. https://doi.org/10.1177/001698628102500311


Mayer, J.D., Salovey, P. (1997). What is emotional intelligence? In P. Salovey & D. Sluyter (Eds.), Emotional development and emotional intelligence: Implications for educators (pp. 3-31). Basic Books.


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