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Enfants et adolescents HPI : qui sont-ils ?

Une revue systématique de la littérature scientifique permet de brosser un portrait relativement fiable des enfants et des adolescents HPI.


La revue systématique de la littérature scientifique publiée en 2024 par Kuznetsova et ses collègues dans Frontiers in Psychology dresse un état des lieux -des principales caractéristiques cognitives, psychophysiologiques et psychologiques observées chez les enfants et adolescents à Haut Potentiel Intellectuel (HPI).


Cette recherche se distingue par deux qualités majeures. Tout d’abord, les auteurs ont strictement sélectionné des études portant sur des jeunes identifiés à l’aide de tests d’intelligence validés, excluant ceux repérés sur la base de talents observés (scolaires, artistiques, sportifs, etc.). La revue n’amalgame donc pas des résultats d’études conduites sur des enfants identifiés par différentes méthodes, ce qui la rend plus fiable. Ensuite, elle s’appuie sur une méthodologie rigoureuse, le protocole PRISMA, qui permet d’éviter de reproduire les biais des études analysées, même s’ils ne peuvent être totalement éliminés.


Il était donc intéressant de présenter ici les résultats de cette revue, dans le contexte d’interrogations qui reviennent souvent dans le discours de parents d’enfants et d’adolescents HPI : qui sont-ils vraiment au-delà des contes et légendes qui empêchent la bonne compréhension de ces jeunes ? Quelles caractéristiques les décrivent vraiment ? Est-il possible de dresser un « profil-type » au-delà d’autres facteurs (environnement familial et social, personnalité) qui façonnent tout être humain pour en faire une personne unique ?


Vue d’ensemble de la revue

Mais déjà, dressons le panorama de l’étude. Pour être incluses à leur revue, Kuznetsova et collègues (2024) ont fixé plusieurs critères : les études devaient porter sur des enfants ou adolescents sans trouble psychologique ou médical connu, utiliser des tests cognitifs validés et reconnus pour identifier le HPI, se concentrer explicitement sur le HPI, et reposer sur des études expérimentales.


L’application de ces critères a permis d’identifier 104 études totalisant plus de 77 000 enfants, dont 27 309 étaient comparés à des enfants non-HPI. Ces études couvrent une période allant de 1930 à 2022, conduites dans 25 pays. La majorité des études provient des États-Unis, suivis de la Chine, d’Israël, de l’Espagne, de l’Allemagne, de la Corée du Sud, du Canada, de la France, du Danemark, de l’Iran et de la Turquie. Les groupes d’âge allaient de la petite enfance jusqu’à 18 ans, la plupart des études concernant des enfants du primaire.


Concernant les tests d’intelligence les plus fréquemment utilisés pour l’identification du HPI, les auteurs de la revue ont observé qu’il s’agissait principalement des échelles de Wechsler (WISC, WPPSI, WAIS), suivies des matrices de Raven, et de l’échelle de Stanford-Binet. Les seuils de sélection étaient variables : la majorité des études utilisait un QI compris entre 120 et 130, quelques études utilisent un seuil de 150 ou encore les 1 à 5% des jeunes les plus performants de la population.



Caractéristiques cognitives des enfants HPI

Comment les enfants à haut potentiel se distinguent dans leur manière de penser

Quand on observe de près le fonctionnement intellectuel des enfants HPI, un constat s’impose : leur façon d’apprendre, de raisonner et de traiter l’information diffère de celle de leurs camarades. Ce n’est pas simplement qu’ils sont « plus rapides » — c’est qu’ils mobilisent leurs ressources mentales d’une manière singulière, parfois étonnamment efficace.

 

Une avance cognitive dans de nombreux domaines

Les enfants HPI excellent dans plusieurs domaines liés à l’apprentissage et au langage. Ils font notamment preuve d’une meilleure capacité pour mémoriser du matériel verbal, disposent d’un potentiel d’apprentissage plus élevé, et de meilleures compétences métacognitives (correspondant à la capacité d’avoir des pensées sur ses propres pensées). Leurs performances sont également plus élevées en compréhension de lecture, en fluence verbale, en pensée stratégique, en reconnaissance de formes, et en raisonnement logique.

 

De manière pratique, cela veut dire qu’ils retiennent plus facilement des mots, comprennent mieux ce qu’ils lisent, utilisent un vocabulaire riche, et montrent une facilité particulière à exprimer leurs idées avec clarté et fluidité. Ils s’adaptent bien aux consignes complexes, savent jongler mentalement avec plusieurs informations à la fois, et développent rapidement des stratégies pour apprendre plus efficacement. Cette aisance intellectuelle se manifeste aussi dans leur capacité à faire des liens, à classer, à comparer, à inférer. Bref, ils comprennent vite et bien. Parler avec eux laisse immédiatement entrevoir leur avance considérable dans la maîtrise et le maniement du langage, et ce, dès leur plus jeune âge.

 

 

Des forces en raisonnement logique abstrait

Par rapport à leurs pairs à l’intelligence plus modeste, les enfants HPI se distinguent particulièrement lorsqu’il faut manipuler mentalement des concepts, résoudre des problèmes, utiliser la logique, ou extraire une règle abstraite à partir d’exemples concrets. Ils se montrent notamment bien meilleurs dans les tâches qui sollicitent la pensée abstraite ou nécessitent de réaliser des opérations complexes. Ils sont notamment plus précis (mais pas plus rapides) dans des tâches où il faut visualiser la rotation d’un objet dans l’espace, nécessitant de résoudre de problèmes géométriques, ou lorsqu’il faut identifier des régularités ou déduire des règles à partir d’exemples. Ils savent extraire l’essentiel, aller à l’idée générale, et comprendre des structures complexes là où d’autres s’attardent aux détails.


Dans les épreuves qui évaluent l’intelligence fluide — c’est-à-dire la capacité à raisonner sans faire appel aux connaissances précédemment acquises — leurs performances dépassent largement celles de leurs pairs. Ce type d’intelligence, qui repose sur l’analyse, la catégorisation, et la déduction, est souvent exploré à travers des matrices visuelles comme celles de Raven. Là encore, les enfants HPI se distinguent par leur rapidité d’analyse et leur capacité à repérer des motifs abstraits ou des règles cachées. Leur pensée est à la fois plus rapide, plus souple, et plus structurée.


Ajoutons à cela les résultats issus des batteries d’intelligence utilisées pour identifier le HPI dans de nombreux pays incluant la France. Les échelles de Wechsler, notamment, permettent d’évaluer différentes composantes de l’intelligence. Les résultats obtenus par les enfants HPI montrent qu’ils se distinguent nettement par des scores très élevés dans les indices mesurant le raisonnement verbal (intelligence cristallisée) et non-verbal (intelligence fluide). Ces scores reflètent des capacités avancées d’apprentissage, de conceptualisation, d’abstraction, d’analyse logique, de synthèse, de manipulation mentale d’informations complexes, ainsi que de résolution de problèmes. Ils renforcent l’idée que les forces cognitives des enfants HPI résident principalement dans leur aptitude à extraire, organiser et appliquer des règles pour comprendre ou résoudre des problèmes qui sont au-delà de ceux habituellement résolus par les enfants du même âge.

 

 

Une attention mieux mobilisée, surtout dans les tâches complexes

Les enfants HPI montrent également un profil distinctif dans le domaine de l’attention. Ils produisent de meilleures performances lorsqu’il s’agit de rester concentrés tout en filtrant les informations non pertinentes. Ils se montrent également plus précis pour maintenir leur attention dans la durée, et traiter plusieurs informations en même temps. Cela dit, ils ne sont pas plus précis – mais plus rapides – dans des tâches qui évaluent d’autres formes d’attention, notamment celles nécessitant de réagir rapidement à un signal, de se focaliser sur un seul stimulus, d’alterner entre plusieurs tâches, ou de diviser leur attention entre plusieurs stimuli. En résumé, les enfants HPI ont des capacités attentionnelles supérieures, mais leur avantage réside surtout dans leur rapidité de traitement de l’information (plus que la précision), et dans leur capacité à organiser et maintenir leur attention en fonction des exigences de la tâche.

 

Mieux inhiber pour mieux raisonner

L’inhibition correspond à la capacité de résister aux distractions et à la tentation de répondre trop vite, ou encore de bloquer une réponse automatique. Sur ce plan aussi, les enfants HPI sont avantagés. Ils donnent plus vite leurs réponses lorsqu’ils sont soumis à certains tests classiques, comme le test de Stroop où il faut lire le nom d’une couleur sans se laisser distraire par la couleur différente dans laquelle il est écrit. Autrement dit, ils se distinguent particulièrement par leur vitesse de traitement de l’information, sans que cela s’accompagne systématiquement d’une meilleure précision des réponses. Cela dit, certaines études les montrent à la fois plus précis et plus rapides dans des tâches consistant à choisir la bonne réponse quand plusieurs réponses – parfois contradictoires – se présentent, ou impliquant de contrôler volontairement ses pensées dans des situations exigeant de bloquer une réponse automatique ou inappropriée. En résumé, les enfants HPI se caractérisent par une meilleure capacité d’inhibition lorsqu’il s’agit d’aller vite et de gérer des interférences, ce qui témoigne d’une efficience cognitive supérieure dans des contextes sollicitant le contrôle attentionnel et la suppression de réponses automatiques.

 

Une mémoire de travail plus efficace… mais pas toujours

La mémoire de travail correspond à la capacité de garder à l’esprit plusieurs éléments pendant qu’on les utilise. Dans ce domaine, les études montrent que les enfants HPI font preuve d’une précision supérieure dans les tâches où il faut retenir une suite de chiffres, les manipuler mentalement, puis les redonner dans un ordre précis (à l’envers ou dans l’ordre croissant). En revanche, ils ne se distinguent pas dans les exercices où les séries à répéter mélangent chiffres et lettres. Leur mémoire de travail auditive est donc globalement – mais pas totalement – plus performante que celle de leurs pairs d’âge non-HPI.

 

Cette avance reste à confirmer pour ce qui concerne la mémoire de travail visuelle et spatiale. Dans deux études utilisant la tâche de Corsi – où il faut reproduire une séquence de cubes montrée par l’examinateur – les enfants HPI ne se montraient pas plus précis que les enfants au développement typique. Néanmoins, il faut noter ces études ne mesuraient pas le temps de réaction, tandis que les enfants HPI semblent justement se distinguer par leur rapidité. Il est donc possible que dans certaines tâches évaluant la mémoire de travail, ils soient tout simplement plus rapides, sans être plus précis.

 

En résumé, les enfants HPI se montrent plus précis que leurs pairs non-HPI dans les tâches de mémoire de travail engageant le stockage, la manipulation, et la récupération. Mais ils ne se distinguent pas dans le domaine spatial, quoi qu’ils pourraient y être plus rapides. Cette hypothèse est étayée par le fait que quand les tâches sont simples, c’est-à-dire à la portée de tous, les enfants HPI ne réussissent pas forcément mieux, mais ils vont plus vite. Identifier une forme, appuyer sur un bouton après un signal, comparer deux dessins : sur ces types d’exercices, leur avantage est surtout temporel. Ils prennent leur décision plus vite, et ils l’exécutent aussi plus rapidement.

 

Un profil globalement plus perforùant

Pris ensemble, ces résultats brossent un portrait riche mais nuancé. Les enfants HPI se distinguent par une pensée rapide, précise, et souvent très efficace, surtout lorsqu’il s’agit de manipuler des idées abstraites, de résoudre des problèmes complexes ou d’apprendre à partir d’informations verbales. Leur attention est plus flexible, leur mémoire verbale plus solide, leur vitesse de traitement supérieure.

Mais ces forces ne sont pas absolues. Certaines tâches ne font pas émerger de différence,  avec des performances comparables à celles d’enfants non-HPI. Leur profil cognitif n’est donc pas univoque, mais spécifique. Il est composé d’une constellation de compétences, certaines très développées, d’autres plus proches de la norme. Comprendre cela permet d’éviter les idées reçues, et d’offrir à ces enfants un accompagnement plus juste ; ni idéalisé, ni réducteur.

 


Ce que leur cerveau nous raconte

Les enfants HPI se distinguent par leurs résultats aux tests ou par leur façon de raisonner, ce qui implique des différences dans la manière dont leur cerveau fonctionne. C’est ce que suggèrent plusieurs études menées avec des techniques d’imagerie cérébrale et de mesure de l’activité électrique du cerveau.

 

Quand l’activité cérébrale s’aligne avec la complexité

La revue de Kuznetsova et al. (2024) a recensé 8 études utilisant des mesures électrophysiologiques appelées potentiels évoqués (ou ERP, pour event-related potentials). L’objectif de telles études étaient d’examiner les différences de fonctionnement cérébral entre enfants HPI et enfants non-HPI lors de tâches cognitives.

Les ERP sont des signaux électriques mesurés par électroencéphalographie (EEG). Ils apparaissent à différents moments après qu’un stimulus est présenté à la personne (par exemple un mot, une image ou un son), et ils permettent de suivre les différentes étapes du traitement de l’information par le cerveau.

 

Les études ont principalement analysé différents composants ERP (P1, N2, P3), c’est-à-dire des ondes caractéristiques qui apparaissent à des moments précis après la présentation d’un stimulus. Ces études indiquent une activité électrique cérébrale particulière chez les enfants et les adolescents HPI :


  • Le composant P1 apparaît environ 100 millisecondes (ms) après la présentation du stimulus. Il s’agit d’une onde précoce qui reflète le traitement visuel initial. Une étude a montré que les adolescents HPI avaient une amplitude plus élevée et un pic plus tardif de P1 lorsqu’ils devaient résoudre des problèmes géométriques. Cette augmentation d’amplitude indique une réaction visuelle initiale plus marquée, suggérant qu’ils mobilisent davantage leurs capacités perceptives dès les premières fractions de secondes, avec un temps de traitement légèrement allongé. En revanche, une autre étude portant sur l’identification d’expressions faciales n’a observé aucune différence de P1 entre enfants HPI et témoins. Cela suggère que cet avantage dans le traitement précoce de l’information dépend du type de tâche, et ne s’étend pas à tous les types de stimuli.


  • Le composant N2 apparaît entre 200 et 350 ms après la présentation du stimulus. Cette onde est associée à la détection de conflits, comme dans un test où l’on doit ignorer un mot pour se concentrer sur une couleur ou une expression faciale. Deux études ont montré que le N2 avait une amplitude plus élevée chez les enfants HPI, que ce soit lors de tâches classiques de conflit cognitif ou lors de tâches de conflit émotionnel. Dans ce deuxième cas, le temps mis par le cerveau pour détecter le conflit était plus court chez les enfants HPI, ce qui suggère une réaction cérébrale plus rapide. Cela suggère qu’ils identifient mieux les contradictions ou les interférences, et qu’ils savent y réagir rapidement.


  • Le composant P3 apparaît entre 250 et 500 ms après le stimulus. Il est lié à la mise à jour de l’information et à l’allocation des ressources attentionnelles. Deux études ont montré que les enfants HPI avaient une amplitude de P3 plus élevée que les autres enfants, que ce soit en réponse à un stimulus ou à un indice annonçant un stimulus à venir. Ils montraient également une latence plus courte du P3, c’est-à-dire une réponse plus rapide. Cela suggère que les enfants HPI semblent capables de mobiliser plus efficacement leur attention et de mettre à jour plus rapidement les informations pertinentes dans leur mémoire de travail. Ils peuvent ainsi repérer rapidement ce qui est important dans un flot d’informations de telle sorte à s’adapter en temps réel à un changement, tout en allouant leurs ressources attentionnelles de façon ciblée et en actualisant les priorités. Du reste, une étude s’est intéressée au P3a (forme particulière du P3, autour de 250–280 ms), qui est généralement associé au traitement de la nouveauté. Elle a également analysé la capacité à détecter des anomalies dans une séquence de stimuli. Pour ces deux composantes, des amplitudes plus élevées ont été observées chez les enfants HPI, ce qui suggère une plus grande sensibilité aux changements dans l’environnement.


  • Deux autres composantes ont été analysées dans le cadre de tâches de rotation mentale, c’est-à-dire de manipulation d’objets en imagination). Dans les deux cas, les enfants HPI montraient là aussi une amplitude ERP plus élevée, indiquant une activité cérébrale plus marquée lors de ces opérations mentales complexes.

 

En résumé, l’analyse de l’activité électrique des enfants HPI en situation de résolution de problèmes suggère une plus grande efficacité du traitement de l’information, une meilleure adaptabilité, des ressources attentionnelles mieux mobilisées et utilisées, ou encore une plus forte mobilisation des ressources mentales quand la tâche devient complexe. Ces caractéristiques reflètent un traitement cognitif plus efficient, particulièrement utile dans des situations complexes ou dynamiques qui demandent de s’adapter en temps réel.

 

Un cerveau qui s’ajuste à la difficulté

D’autres études, toujours avec l’EEG, ont examiné les oscillations cérébrales, c’est-à-dire les rythmes électriques produits par les neurones lorsqu’ils travaillent ensemble. Une fréquence en particulier, appelée bande gamma, est souvent associée à des processus de haut niveau comme la mémoire, l’attention ou le raisonnement abstrait.

 

Les enfants HPI montrent un profil intéressant : quand la tâche est facile, leur cerveau « s’économise » — leur activité gamma est plus faible que celle des autres. Mais dès que la difficulté s’accroît, leur activité cérébrale augmente rapidement, au point de dépasser celle du groupe contrôle. En d’autres termes, leur cerveau semble s’ajuster à la complexité, comme s’il savait quand mobiliser ses ressources et en quelle quantité.

 

Une autre étude a observé que, chez des adolescents particulièrement doués en mathématiques, les régions du cerveau soutenant le raisonnement (notamment les zones frontales et pariétales) communiquent mieux entre elles. Les échanges entre ces zones sont plus stables et mieux coordonnés, ce qui facilite et améliore le raisonnement logique et la résolution de problèmes.

 

Une architecture cérébrale plus efficace

Des études ont utilisé d’autres outils d’imagerie pour observer non plus l’activité électrique du cerveau, mais sa structure et son organisation interne.

 

L’une de ces études a utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour explorer les particularités du fonctionnement cérébral chez les adolescents HPI. Les résultats ont montré une activation plus forte dans une zone située un peu à l’arrière du cerveau – le cortex pariétal postérieur – connue pour intervenir dans la résolution de problèmes et la pensée abstraite.

 

Deux autres études ont utilisé l’imagerie par tenseur de diffusion (DTI), une technique permettant d’examiner l’organisation des fibres de matière blanche dans le cerveau, c’est-à-dire les connexions entre les différentes régions du cerveau. Ces études ont révélé que les adolescents HPI avaient un réseau de connexions cérébrales à la fois plus efficace et mieux organisé. Ces résultats suggèrent que l’information circule plus facilement et plus rapidement dans leur cerveau, grâce à une meilleure qualité de la substance blanche dont la fonction est de faciliter la communication entre les zones cérébrales.


Enfin, une étude plus ancienne a observé une réaction physiologique plus marquée à la nouveauté chez les enfants HPI, mesurée cette fois non pas dans le cerveau mais à la surface de la peau. Cette réaction, appelée réponse électrodermale, pourrait refléter une plus grande sensibilité aux stimuli environnementaux nouveaux ou pertinents.


Un cerveau plus rapide, plus sensible… mais pas toujours

Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les enfants et les adolescents HPI ont un mode de traitement de l’information plus réactif, plus flexible, et souvent plus ciblé. Leur cerveau semble mobiliser ses ressources au bon moment et dans les quantités suffisantes en s’adaptant à la complexité des tâches. Qu’il s’agisse de détecter un conflit, d’anticiper un stimulus, d’analyser l’environnement, de s’adapter au changement en temps réel, ou de raisonner sur du matériel complexe, leur fonctionnement cérébral se distingue par une activité plus efficace et parcimonieuse, des réponses plus rapides, et une meilleure coordination entre les différentes zones impliquées.

Toutefois, les résultats ne sont pas toujours convergents selon les composantes mesurées ou les paradigmes utilisés, ce qui invite à considérer ces marqueurs avec prudence, en l'absence à ce jour d’une « signature cérébrale unique » du haut potentiel intellectuel. Rien ne remplace donc l’observation fine du fonctionnement cognitif et émotionnel de chaque enfant.



Les caractéristiques psychologiques

Kuznetsova et collègues (2024) ont recensé une vingtaine études explorant les caractéristiques psychologiques des enfants HPI, dont douze comportaient un groupe contrôle. Ensemble, ces travaux dessinent un profil psychologique à la fois distinctif et nuancé.

 

Une motivation intérieure qui les pousse à apprendre

Sur le plan motivationnel, ils affichent généralement une motivation intrinsèque plus élevée, caractérisée par le plaisir d’apprendre, la curiosité intellectuelle et la recherche de nouveaux défis. Cette motivation semble également se manifester dans le domaine de la réussite scolaire, comme l’indique une motivation à la performance renforcée chez les adolescents HPI.

 

Bien que cela soit moins souvent étudié, certains travaux rapportent aussi des niveaux plus élevés de motivation extrinsèque chez les enfants HPI, en particulier parmi les plus jeunes. La motivation extrinsèque reflète l’engagement dans une activité dans le but d’obtenir une récompense extérieure ou d’éviter une sanction, plutôt que par intérêt ou plaisir personnel. Ce type de motivation peut se manifester, par exemple, par le désir d’obtenir de bonnes notes, de satisfaire les attentes parentales ou de recevoir des félicitations. Sa présence chez les enfants HPI ne contredit pas leur motivation intrinsèque souvent élevée, mais suggère qu’ils peuvent aussi être sensibles aux renforcements sociaux dans certains contextes. Cela veut dire que les parents comme les enseignants auraient tort de croire que les jeunes HPI n’ont pas besoin de félicitations ou d’encouragements. Comme les autres, ils ont besoin que leurs efforts soient notés et récompensés, en évitant de supposer que leurs réussites n’ont demandé aucun effort.

 

Confiance en soi, mais pas forcément en société

La recherche s’est également penchée sur le sentiment d’efficacité personnelle, une caractéristique reflétant la confiance en soi et l’estime de soi dans différents domaines. Ce sentiment semble plus marqué chez les enfants HPI en comparaison des enfants non-HPI. Ils ont notamment confiance en leurs compétences scolaires, mathématiques, et quant à leur intelligence. Ils se sentent également à l’aise pour résister à la pression sociale des camarades qui tenteraient de les encourager à des comportements déviants (désobéir, chahuter, voler…).

 

En revanche, aucune différence notable n’est observée concernant l’efficacité perçue dans le domaine social, l’efficacité personnelle sociale étant ici définie comme l’estime de soi relative à différentes compétences sociales. Ce résultat étonnant peut s’expliquer par les travaux de López et Sotillo (2009) qui ont montré que les enfants HPI ne se distinguent pas du groupe contrôle sur des mesures de l’adaptation sociale obtenues à l’aide de divers questionnaires, ce qui tend à confirmer l’évaluation que ces enfants font d’eux-mêmes dans ce domaine.

Une explication possible serait que leur forte motivation et leur sentiment d’efficacité dans les domaines scolaires et intellectuels reposent sur une capacité particulière à mobiliser leurs efforts là où ils les estiment les plus utiles. Autrement dit, les enfants HPI pourraient être plus efficaces que leurs pairs pour concentrer leur énergie mentale sur les tâches exigeantes, ce qui contribuerait à leur réussite dans les activités intellectuelles. Mais cette stratégie d’allocation optimale de l’effort ne concernerait pas nécessairement le domaine social, dans lequel leurs compétences et leur confiance en eux apparaissent comparables à celles des autres enfants.

 

 

Une personnalité tournée vers la nouveauté et la rigueur

Sur le plan des traits de personnalité, les enfants HPI se distinguent par une ouverture à l’expérience plus élevée. Ils aiment explorer, découvrir, expérimenter, et sont souvent attirés par les idées nouvelles ou originales. En revanche, ils ne diffèrent pas des autres enfants en ce qui concerne l’extraversion, l’agréabilité ou la conscienciosité. Autrement dit, ils ne sont pas plus extravertis (ou introvertis), plus agréables avec autrui, ou plus consciencieux que les enfants dont le QI est dans la moyenne. 

 

Ils se montrent également plus perfectionnistes, mais d’une façon particulière : ils sont exigeants envers eux-mêmes, sans pour autant se laisser envahir par la peur de l’erreur. En outre, leur quête d’excellence semble plus liée à des objectifs personnels qu’à une pression extérieure.

 

Une pensée stratégique efficace, mais des priorités différentes

Les enfants HPI adoptent également des comportements stratégiques plus efficaces que ceux de leurs pairs, que ce soit dans des jeux ou des tâches de résolution de problèmes. Ils trouvent plus rapidement des stratégies gagnantes, font preuve d’une plus grande constance dans leur application, et parviennent souvent à mieux anticiper les conséquences de leurs choix. Plusieurs études suggèrent qu’ils coopèrent davantage, s’adaptent mieux aux règles implicites d’un jeu et manifestent moins de sensibilité à la perte. Toutefois, dans certaines situations économiques simulées, comme le jeu de l’Ultimatum, leurs gains monétaires peuvent être inférieurs à ceux des enfants non-HPI. En réalité, ils semblent ne pas toujours rechercher le bénéfice matériel maximal, ce qui suggère que certaines de leurs décisions sont prises avec des priorités différentes, potentiellement liées des considérations sociales, morales ou éthiques.

 

Une créativité plus originale

Enfin, bien que peu d’études aient comparé directement la créativité des enfants HPI à celle de leurs pairs, l’une d’elles a montré qu’ils se distinguaient par une plus grande originalité lorsqu’il s’agissait de trouver verbalement des idées créatives, comme inventer des titres originaux ou imaginer des usages inhabituels pour des objets. En revanche, ils ne se montraient pas plus créatifs que les autres enfants dans les tâches qui demandaient de produire un grand nombre d’idées, de passer facilement d’une idée à une autre, ou de réaliser des dessins originaux. En d’autres termes, ils étaient plus originaux en trouvant des idées plus rares ou inattendues, mais sans être plus prolifiques. Ils ne donnaient pas nécessairement plus d’idées, et les types d’idées n’étaient pas plus variés.

 

Réussite scolaire et contexte familial : des environnements qui comptent

En complément des trois grands axes de recherche déjà abordés, les auteurs ont recensé plusieurs autres catégories d’études. Une première série de recherches concernait la réussite académique, durant l’enfance mais aussi à l’âge adulte. Sur les sept études recensées, quatre comparaient des enfants HPI à des enfants témoins. Les résultats indiquent que les enfants HPI obtiennent en moyenne de meilleures notes à l’école et réussissent mieux les examens importants, ce qui reflète de meilleures performances académiques. De plus, leur probabilité d’accéder à des diplômes universitaires élevés, comme un master, est également plus élevée. Toutefois, pour ce qui concerne les niveaux de revenus à l’âge adulte, les différences n’étaient significatives que pour les garçons : les garçons HPI semblent gagner davantage que leurs homologues non-HPI, tandis que les données ne permettent pas de conclure à une différence comparable chez les filles.

 

Une deuxième série d’études s’est penchée sur l’environnement familial des enfants HPI. Trois recherches ont comparé les familles d’enfants HPI à celles d’enfants non-HPI. Les résultats suggèrent que les parents d’enfants HPI adoptent généralement un style éducatif moins autoritaire et offrent à leurs enfants un environnement plus riche en stimulations intellectuelles et culturelles, qu’il s’agisse de jouets, de livres, d’œuvres d’art, de voyages ou de sources d’information variées. Ils semblent également accorder une attention particulière au développement global de leur enfant et à l’entretien de ses compétences intellectuelles. Une étude rapporte que les pères d’enfants HPI sont en moyenne plus diplômés, et qu’ils se montrent aussi plus tolérants, plus ouverts d’esprit et davantage prêts à encourager l’expression personnelle de leur enfant. Cette étude souligne également que les parents d’enfants HPI ont tendance à mieux faire entendre leur point de vue dans les échanges familiaux, tout en respectant celui de l’enfant.

 

Cependant, ces différences ne concernent pas l’ensemble des aspects étudiés. Aucun écart significatif n’a été observé concernant le statut socio-économique, le climat émotionnel global au sein du foyer, la qualité des échanges intellectuels entre parents et enfants, la diversité des centres d’intérêt des parents, ou encore leur niveau de stress. Une autre étude menée dans cette thématique n’a d’ailleurs relevé aucune différence entre familles d’enfants HPI et non-HPI sur l’ensemble des variables évaluées, qu’il s’agisse de l’importance accordée à la réussite ou à la culture, de la qualité des échanges familiaux ou de l’organisation quotidienne de la vie à la maison.

 


En résumé, à quoi reconnait-on un enfant ou un adolescent HPI ?

Dans l’ensemble, les résultats de la revue systématique de Kuznetsova et collègues (2024) indiquent que les enfants HPI se distinguent avant tout par leur manière de penser et de raisonner. Dans de nombreuses situations, ils répondent plus vite ou de façon plus juste que les autres enfants, surtout lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes complexes ou de faire appel à leur mémoire. Cette supériorité s’exprime notamment dans les tâches verbales : ils retiennent plus facilement des listes de mots, manipulent mentalement des informations avec agilité, et réussissent mieux lorsque l’on leur demande de suivre plusieurs instructions en même temps ou de passer rapidement d’une activité mentale à une autre. Ils ont une plus grande aisance verbale et un vocabulaire beaucoup plus riche. Ils sont capables d’exprimer leurs idées avec plus de clarté et de fluidité, en jonglant avec des concepts abstraits qui ne sont pas encore à la portée des enfants au QI plus modeste.


En revanche, ils ne sont pas toujours meilleurs dans les exercices qui demandent de se souvenir de positions dans l’espace ou de reproduire une séquence de gestes, comme lorsqu’il faut montrer une série de cubes dans un certain ordre après les avoir vus brièvement. Leur performance peut alors se rapprocher de celle des autres enfants, ce qui montre que leur fonctionnement cognitif n’est pas uniforme et dépend du type d’information à traiter.


Quand on les observe dans des situations où il faut être attentif, gérer plusieurs choses à la fois ou ignorer des distractions, les enfants HPI ont presque toujours un avantage. Souvent ils vont plus vite, parfois ils sont plus précis, et parfois les deux. Ce qui ressort, c’est qu’ils semblent mieux s’adapter aux exigences des tâches complexes, et qu’ils savent mobiliser les ressources nécessaires au bon moment. Ils se distinguent particulièrement dans les situations impliquant un conflit cognitif, où il faut inhiber une réponse automatique ou résoudre une ambiguïté, ainsi que dans les contextes où il faut changer de stratégie en cours de tâche. Ces performances laissent entrevoir une gestion plus efficace des ressources mentales, voire une plus grande flexibilité dans la mobilisation de leurs capacités attentionnelles et exécutives.


Cette aisance mentale semble aller de pair avec un fonctionnement cérébral un peu particulier. Lorsqu’ils doivent se concentrer ou réfléchir de manière soutenue, leur cerveau s’active plus intensément dans certaines zones clés qui ont été associées à l’intelligence, comme les régions frontales et pariétales. En outre, les échanges entre ces zones sont mieux synchronisés et plus efficaces. Des études en électroencéphalographie ont ainsi montré une meilleure coordination de l’activité électrique cérébrale, notamment dans une fréquence particulière appelée bande gamma, qui est habituellement liée aux processus de haut niveau (raisonnement, attention, mémoire). À l’inverse, dans les tâches simples, leur cerveau semble moins actif, comme s’il savait économiser ses efforts, ce qui soutient l’hypothèse d’une plus grande efficience neuronale.

 

Leurs réponses cérébrales sont aussi plus marquées lorsqu’ils sont confrontés à des imprévus ou des changements soudains dans leur environnement, ce qui pourrait refléter une plus grande sensibilité aux signaux nouveaux ou pertinents, et une mobilisation rapide des ressources attentionnelles pour s’y adapter. Globalement, leur cerveau semble plus réactif, plus rapide, et mieux organisé pour traiter l’information de manière flexible et ciblée, en particulier lorsque la tâche est complexe ou demande un effort cognitif soutenu.


Au-delà de leurs capacités intellectuelles, les enfants HPI se caractérisent aussi par des traits psychologiques particuliers. Ils sont souvent très motivés, curieux, et aiment apprendre par plaisir. Ils s’investissent avec enthousiasme dans les tâches qui les intéressent, même sans récompense extérieure, et apprécient particulièrement les défis intellectuels. Ils ont également tendance à croire en leurs capacités : ils se sentent compétents, savent ce qu’ils valent sur le plan intellectuel, et font preuve de persévérance face aux difficultés. Cette confiance en eux se manifeste dans le domaine scolaire, mais aussi dans leur capacité à se réguler et à résister aux influences sociales négatives. Néanmoins, comme les autres, ils peuvent attendre des félicitations ou des encouragements.


Ils sont aussi plus enclins à chercher des expériences nouvelles, à vouloir comprendre le monde qui les entoure, et à explorer des idées originales. Leur ouverture à l’expérience est souvent plus élevée que celle de leurs pairs, ce qui pourrait jouer un rôle dans le développement de leurs talents. En revanche, ils ne se sentent pas nécessairement plus à l’aise dans les interactions sociales, et leur sentiment d’efficacité dans ce domaine est comparable à celui des autres enfants.


En résumé, les enfants HPI se distinguent par une pensée rapide et précise, surtout dans les tâches complexes. Leur cerveau semble particulièrement bien préparé pour gérer l’effort mental quand c’est nécessaire, et ils font preuve d’une grande motivation et de confiance dans leurs capacités. Leur goût pour l’exploration intellectuelle, allié à une forte implication cognitive, dessine un profil globalement harmonieux, bien que parfois en décalage avec leur environnement scolaire ou social, notamment lorsque les défis proposés ne sont pas à la hauteur de leur potentiel.


Conclusion

Il est important de rappeler que l’ensemble des caractéristiques précédemment décrites, notamment sur le plan psychologique, ne s’observe pas systématiquement chez tous les enfants et adolescents HPI. Si une majorité d’entre eux présente un profil marqué par une motivation élevée, une forte confiance en soi, une curiosité intellectuelle et une ouverture à l’expérience, ces traits ne sont ni universels ni exclusifs à cette population. Leur expression peut varier selon les contextes familiaux, scolaires ou culturels, ainsi que selon la personnalité de l’enfant.

 

Cette variabilité a des implications concrètes pour l’identification : en dehors des performances cognitives élevées – notamment celles évaluées par les tests d’intelligence – aucune autre caractéristique n’est suffisamment constante ou spécifique pour constituer à elle seule un critère fiable de repérage. Autrement dit, les manifestations psychologiques ou comportementales, bien qu’informatives et parfois évocatrices, ne sauraient se substituer à une évaluation clinique rigoureuse. En revanche, les éléments mis en lumière par cette revue peuvent enrichir le regard des professionnels et des enseignants, les aider à repérer certains profils atypiques, et nourrir une réflexion plus nuancée sur les besoins particuliers des enfants HPI.


Référence principale

Kuznetsova, E., Liashenko, A., Zhozhikashvili, N., & Arsalidou, M. (2024). Giftedness identification and cognitive, physiological and psychological characteristics of gifted children: a systematic review. Frontiers in Psychology, 15, 1411981.

 
 
 

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Cabinet N. Boisselier, psychologue

Nathalie Boisselier

Psychologue | Psychothérapeute

Docteure en psychologie

Centre Thérapeutique de Nice

54, rue Gioffredo - 06000 NICE

Tél. 06 23 38 37 13

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© 2019 - Nathalie Boisselier - Psychologue & Psychothérapeute

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